Management culturel

Expérience muséale enthousiasmante à Anvers !

De retour de Belgique, je me réjouis de partager cette expérience vécue au Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) avec vous. Alors que les critiques sur le relativisme culturel s’opposent toujours aux constats que la culture subventionnée reste hélas l’apanage des plus instruits, que la relance post-covid peine à se réaliser, un voyage dans le KMSKA d’Anvers (Belgique) montre qu’exigence et expériences ludiques peuvent aller de pair, et ce au grand bonheur des visiteuses et des visiteurs.

 

Premières impressions …

 

Un espace spécifique, tout en hauteur, pour accueillir l’oeuvre de Boy et Eric Stappaerts _ https://boyerikstappaerts.com/

Je n’avais pas prévu de me rendre dans ce musée mais en passant devant ses portes imposantes (le bâtiment historique date de 1890) je vois une foule qui se précipite… Intriguée… je décide d’entrer aussi. On pénètre dans ce bâtiment historique impressionnant par le sous-sol, réaménagé dans des lignes très sobres et blanches. Toute l’expérience doit beaucoup à cette rénovation radicale du bâtiment historique (réouverture en septembre 2022) par le bureau des architectes Kaan ; leur travail a notamment été guidé par les différents types de luminosités nécessaires pour la mise en valeur de la collection. Tout en préservant les espaces centraux comme le hall d’entrée prestigieux et certaines salles, les architectes ont cependant remodelé une partie du bâtiment. De grands puits de lumière traversent en hauteur le bâtiment, permettant de donner de l’espace, de la luminosité et du volume à certaines salles. D’autres espaces, consacrés aux œuvres petites et fragiles, nécessitant davantage d’intimité, ont été réduits de manière à focaliser l’attention du visiteur.

 

Une attention accordée à un « voyage muséal » fluide et surprenant

A l’entrée, donc, pas de desk d’accueil : un agent nous invite à prendre le billet au distributeur automatique, très convivial et simple à utiliser. Billet en main, je poursuis ma visite : un petit café, au sous-sol, désigné très agréablement avec beaucoup d’intimité et de confort, invite à prendre une petite boisson et snack, alors qu’un magnifique restaurant, au rez, plus grand, propose des repas. Au sous-sol se trouvent aussi les vestiaires, d’agréables espaces où s’asseoir ; s’y trouve aussi le desk organisant les visites guidées On accède au rez-de-chaussée, entrée historique, par un escalier en colimaçon.

Dans le hall historique, un « piano dans les musées » résonne au gré des talents et des humeurs des visiteurs et visiteuses, créant d’emblée une ambiance joyeuse entre les « performeurs » et les visiteurs qui s’installent naturellement sur les marches et autour du piano.

 

Le défi d’un laboratoire d’expérimentations

Que ce soit à travers le site Internet ou l’expérience de la visite, le KMSKA est pensé de manière à intriguer, surprendre et renouveler l’expérience visiteur au gré des différentes atmosphères. Les accrochages, tout d’abord, sont réalisés selon une approche thématique. Sans m’attarder sur les débats suscités depuis une vingtaine d’année sur les méthode de présentation et de classement des œuvres dans les collections permanentes des musées, (Moma, Tate, Pompidou etc.),  force est cependant de constater que ces juxtapositions apportent ici une fraîcheur et déploient de nouveaux imaginaires et associations,  ceci alors que les références en histoire de l’art des visiteurs s’amenuisent, voire se perdent.

Deux Christs : James Ensor et Albrecht Bouts

Par exemple, dans la salle dédiée à la représentation de la souffrance, un Christ de James Ensor côtoie celui d’Albert Bouts, artiste du 15eme siècle, révélant les interprétations semblables et pourtant singulières des deux artistes, leurs techniques respectives…  Ensuite pour susciter l’intérêt des plus jeunes et à satisfaire leur besoin tactile et expérientiel, le KMSKA a sollicité un scénographe, Christophe Coppens, pour insérer dans le musée dix installations inspirées par des œuvres (« Les Dix »). A travers cette dimension sensorielle (cavernes, fauteuil en peluche, installation aux murs, etc.) s’instaure une nouvelle perception du lieu pour les enfants – et tous les publics au final !

 

 

Autre projet offrant une nouvelle expérience : la salle immersive qui permet de découvrir, grâce à des images mouvantes projetées 360 degrés, des détails d’œuvres accrochées à l’entrée : des plumes virevoltes, les bijoux que l’on ne voit pratiquement pas à l’œil nu dévoilent soudain toute leur beauté et la subtilité de leur facture. Plus loin encore, une salle est dédiée à la réalité virtuelle, permettant de découvrir l’Atelier de Rubens.

Un musée ouvert aux artistes

Pas de yoga nudiste dans le KMSKA ; cependant, des projets permettant aux artistes de prendre possession de ce lieu et d’y présenter leur regard : en décembre, c’est le collectif international Peeping Tom, habitués à présenter leurs spectacles dans des espaces surprenants, qui proposait une performance dans les différents espaces du musée en dialogue avec les collections : Sold out ! Autre projet participatif : Radio Bart qui propose de découvrir tous les mercredis une œuvre à travers la perception de Bart, un employé malvoyant du KMSKA qui a conçu ce programme pour « Regarder autrement et voir davantage avec Radio Bart ». A cela s’ajoutent les résidences d’artistes provenant de toutes disciplines artistiques qui proposent des regards alternatifs sur la collection.

 

Crypto, participation et dialogues

Le KMSKA est le premier musée au monde à proposer des investissements en Art Security Tokens. Ainsi, une œuvre d’Ensor est proposée à l’achat. Autre projet invitant à la participation, l’Expo Nationale : chacune et chacun peut proposer une œuvre, que ce soit de la peinture, du graphisme ou une installation en réponse à une œuvre donnée de la collection. Cette année, c’est une œuvre de Rubens qui titillera la créativité du public. Lorsque je consulte le site, près de 2500 œuvres ont déjà été produites et près de 134 000 votes faits ! 100 œuvres seront ensuite sélectionnées en fonction de leur popularité et des critères d’un jury avant d’être exposées sur place et présentées sur le site Internet du musée.

 

Un musée en route vers de nouvelles fonctionnalités

Au sortir de ce musée, dans lequel je suis restée bien plus longtemps que prévu, j’ai le sentiment que mes sens les plus variés ont été aiguillonnés. Le KMSKA illustre bien la thèse de l’horizontalité, qui remplace la verticalité d’antan : si les contenus restent heureusement au centre du projet curatorial et artistique, ils sont intelligemment mis en dialogue et en discussion avec les publics. Expérience joyeuse, enthousiasmante et inspirante !

 

Un voyage initiatique. Entretien avec Michel Piccoli

En 1996, j’ai eu le privilège de pouvoir réaliser un entretien avec Michel Piccoli, grâce au soutien et à l’enthousiasme de Sarah Turin, que je tiens ici à remercier. Il répétait « La Maladie de la Mort » au Théâtre de Vidy, avec Lucinda Childs sous la houlette de Robert Wilson. Je m’étais interrogée sur l’expérience singulière que devait vivre Michel Piccoli avec Robert Wilson, et j’avais eu le privilège d’assister à quelques répétitions avec de réaliser l’entretien. Piccoli donnait vie à ce spectacle lisse, il y apportait une énergie autre, plus chaotique, humaine, fragile et je souhaitais en savoir davantage…

Article publié dans Théâtre/Public, Gennevilliers, 1996

Mort_initiatique_Piccoli_TP_1997

Innovative Business Models_ an opportunity for the cultural sector ? Bringing together the logics of Public Service and Business

La réduction des financements publics et les changements sociétaux tels que la digitalisation et les mutations sociétales en général (économie de l’expérience, de l’attention, Participatory Turn, etc.) invitent à penser les changements et les tensions entre les logiques privées et publiques dans le secteur culturel (notamment Chiapello 1998 ; Boltanski, Chiapello 2009). Pour développer des approches plus réfléchies et créatives, ne se limitant pas à transposer dans la culture les théories managériales, nous souhaitons explorer d’autres voies créatives et critiques inspirées par les mouvements maker, le participatory turn, l’innovation sociale et les ouvrages sur les nouveaux modèles d’affaire innovants. Les points abordés seront les suivants : Quels sont les défis auxquels sont aujourd’hui confrontés les modèles d’affaires du secteur culturel ? Quels modèles d’affaires innovants peuvent être intéressants pour ce secteur ? Et ce que des propositions de valeur plus complexes et intégrées peuvent s’esquisser ?

Partant des ouvrages classiques sur les nouveaux modèles d’affaires (Cf. Brown, 2008 ; Chan Kim, Mauborgne, 2005 ; Pigneur, Osterwalder, 2009 ; Gassmann, O., Franckenberger, K, Cscik, 2014), nous souhaitons les analyser et les discuter avec des directeurs d’institutions de taille modeste (> 4 millions CHF), agiles et ouvertes au changement, au cours d’entretiens mi-directifs menés de visu.

En identifiant les opportunités d’innovation dans toutes les facettes d’un modèle d’affaire (Cf. les neufs case du Business Model Canvas selon Pigneur et Oserwalder, 2009), ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives enrichissantes et stimulantes ; elles amènent les institutions culturelles à densifier leurs propositions de valeur et leur rôle au sein d’un écosystème territorial complexe en redéfinissant la diffusion et la relation client, la valorisation des compétences, l’ensemble des relations entre l’entreprise et les clients, stakeholder, partenaires.

L’objectif sera de discuter des modèles, d’identifier les modèles les plus attractifs et les conditions de mise en œuvre et de livrer, au terme de l’étude, des architectures pilotes de modèles d’affaires.

Sutermeister_Business models_ENCATC_2018 (document en anglais)

Les défis de la recherche en art et en design en Suisse. Un cas d’école : La HEAD-Genève

L’article, rédigé avec Lysianne Léchot Hirt et Jean-Pierre Greff, présente les spécificités de la recherche en art et en design, les met en relation avec les critères de la recherche scientifique  « traditionnelle », dégage les paradoxes et les frictions constructives, et donne des exemples concrets de recherches réalisées à la HEAD-Genève.

Sutermeister_Les_defis_de_la_recherche_2017